Explociné : Let’s talk business / Joy, les femmes d’abord

Parmi la masse de biopics, le Joy de David O’Russel (2015) fait un peu figure de curiosité. Il s’agit, certes, d’une success story à l’américaine. Le pitch se détache toutefois de l’ordinaire pour s’intéresser à l’aventure d’une femme entrepreneure et le revendique ! Inspiré d’une histoire vraie, le film porte à l’écran l’histoire de Joy Mangano, une star du téléachat outre atlantique. La jeune femme, inventrice de génie, se consacre à sa famille. Le jour où elle a l’idée d’un serpillère révolutionnaire, elle décide de tout changer. 

Une aventure féministe, un entrepreneur qui ne navigue pas dans le digital, une histoire de conte de fées à la Cendrillon … Joy tient-il ses promesses ? 

Un film iconoclaste … mais pas trop quand même ! 

Alors oui, un biopic américain n’a jamais vraiment été gage d’originalité. Joy ne fait pas exception. Il s’agit, effectivement, de l’énième ascension d’un self made man comme l’Oncle Sam les aime. Le héros démarre comme banal citoyen et termine au firmament par son travail et sa dévotion. Comme souvent, le pitch est l’adaptation d’une histoire réelle. L’entrepreneur (à succès, c’est important) est élevé au rang de demi-dieu et son histoire se doit d’être racontée pour inspirer et éduquer. On est pas très loin des douze travaux d’Hercule non ? 

Ce qui fait toutefois le charme de cette merveilleuse parabole ici, c’est le choix de ne montrer que les débuts du projet. On s’attache ainsi aux débuts chaotiques d’une entreprise lorsque l’on est véritablement au bas de l’échelle. Joy est loin de ces petits geeks solitaires de la Ivy League. Elle cumule les petits emplois, vit avec ses enfants, son ex, sa mère et parfois son père et n’a pas fait d’études. Son produit, une serpillère (rappelons le) n’est pas très glam non plus comparé aux applications mobiles de la Silicon Valley. Oui mais voilà, c’est justement ce qui fait l’attrait de cette histoire. Joy est extrêmement réelle. Elle figure n’importe quel individu ayant de l’idée mais pas l’occasion ou le courage nécessaire pour se lancer. Joy pourrait ainsi être un voisin ou une amie en quête de reconnaissance. 

Si le film finit par la transformation de la jeune femme en princesse du business (on reste en amérique hein ! De l’happy ending !), elle entre dans les foyers et surtout amène une vague d’empathie chez le spectateur.  

Et le féminisme ? 

Avant même de parler du film en lui-même, il faut saluer la performance de Jennifer Lawrence qui s’installe définitivement comme l’une des actrices les plus talentueuses du moment. 

Joy promet un beau moment de féminisme. Toute la promotion, d’ailleurs, est inscrite en ce sens. Au sortir du visionnage cependant, il apparaît que, certes, Joy subit la pression d’être mère. Le père s’occupe très peu de sa progéniture. Le regard des autres est également pesant : on l’accuse d’être une mauvaise mère lorsqu’elle emmène avec elle ses enfants pour tenter une vente. Sa famille est omniprésente, également, voire même étouffante. Joy n’a plus le temps de penser. Elle n’a plus le temps de quoique ce soit. Mais c’est normal, c’est une mère de famille. Une situation qui va atteindre son paroxysme lors de la scène du bateau. 

Malheureusement, une fois dans le monde du business, aucunes des difficultés qu’elle rencontre ne semble réellement liées à son statut de femme. Se faire escroquer par son fournisseur ou choisir le mauvais conseiller sont des péripéties qui pourrait très bien arriver à un homme comme à une femme. Le seul point touchant à la condition de la femme dans les affaires apparaît lorsque Joy doit choisir sa tenue pour son passage à la télévision. 

Cette déception s’efface cependant face à l’incroyable sympathie que dégage Jennifer Lawrence à l’écran et qui nous fait frissonner pour elle tout genre confondu. 

Joy, malgré une proposition ambitieuse, ne figure pas le grand film féministe annoncé. Le peu de détails à décrire l’univers de la femme dans les affaires mais aussi une narration parfois un peu brouillon gâche un peu ces belles promesses. On regrette également un certain manque de profondeur quant au développement de l’univers de Joy. On aurait aimé, en effet, creuser d’autant plus les personnages et leurs relations afin de véritablement dresser un éco-système qui tienne la route. 

Le film toutefois est grandement relevé par la performance de Jennifer Lawrence, laquelle est incroyable de sincérité.

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