Explociné ! : Let’s talk business/ le Biopic

“Rocketman” , “Bohemian Rhapsody”, “The social network” ou “Snowden”… Presque pas une année sans son lot de biopic en tout genre. De l’anglais, “biographical motion pictures” , un biopic est une œuvre de fiction centrée sur la description biographique d’un personnage ayant réellement existé. Il est donc à distinguer du documentaire par son aspect plus grand public que ce dernier. S’ il est assez apprécié du public (et des producteurs), il se présente toutefois comme un exercice risqué comme le choix des acteurs, les choix scénaristiques mais aussi les négociations avec les ayants droits. Un exercice, donc, qui peut facilement être casse gueule (sorry not sorry). 

La petite histoire

Le biopic est un classique du cinéma. On a coutume de figurer sa naissance avec le Cléopâtre de Georges Méliès en 1899, c’est dire ! 

C’est cependant au cours des années 1930’s que ces long métrages biographiques vont connaître un véritable âge d’or. Il s’agit à cette époque d’appuyer principalement le rôle pédagogique du film. La précision documentaire est ainsi recherchée. Les sujets couverts vont ainsi principalement aux grands scientifiques et politiques tels que Pasteur ou Zola. 

Il sera cependant un peu délaissé par la suite mais connaît un vrai regain d’intérêt dans les années 1980. Il remontera ainsi les échelons du fun avant de rencontrer un nouvel âge d’or entre la fin des 2000’s et début 2010’s. Après la WW2 et la montée de l’industrie de l’entertainment, l’homme se rêve et s’espère. La société devient de plus en plus libéraliste et individualiste. Les biopics offrent alors un nouveau panthéon d’idoles à désirer. Les films mettent en effet ici beaucoup plus en valeur la réussite personnelle, l’ambition, le chemin parcouru. Un biopic devient alors une opération marketing plus qu’éducative. Certains biopic (Rocketman en tête) sortent même alors que leur protagoniste est encore en vie. Il se distinguent alors deux tendances : les entrepreneurs et les groupes musicaux. Notons toutefois que la personnalité la plus biographié est Abraham Lincoln avec pas moins d’une centaine de films. 

La tendance des biopics ne se cantonne pas simplement à la France et aux USA, bref au monde occidental. L’Asie, et notamment la Chine, est friande de grandes fresques historiques à l’image de The Grandmaster de Wong Kar Waï qui retrace la vie de l’un des inventeurs du kung-fu. 

Si les biopics sont plutôt rares dans les sélections de festivals, l’engouement du public est certain même si il a tendance depuis la fin des 2010’s à baisser quelque peu. Un  genre très apprécié ces dernières années donc, à tel point que parfois, deux films sortent en même temps sur la même personne (Coco Chanel en 2009, Truman Capote en 2005-2006) et se font une large concurrence commerciale. 

La difficile production 

Réaliser un biopic n’est pas de tout repos malgré la rapidité à laquelle il en sort ces dernières années. Du côté des acteurs, l’actrice Diane Kruger déclare dans une interview pour la promotion des Adieux à la Reine (Benoit Jacquot, 2012) que “c’est surtout risqué. Tout le monde a une idée préconçue sur une telle figure historique”. 

L’un des principaux problèmes rencontré tient à l’identité même du film, son scénario. Doit-on, en effet, se concentrer sur les éléments réels (et donc se rapprocher d’une approche documentaire) ou, à l’inverse appuyer le côté divertissant quitte à s’attribuer quelques licences artistico-romanesques ? Il s’agit surtout de ne pas décevoir le spectateur tout en lui apportant un éclairage nouveau sur un personnage qu’il a aimé ou admiré. 

Ces préoccupations artistiques s’accompagnent bien souvent de questionnements plus terre-à-terre. Dès la pré-production, de nombreuses questions sont en effet sur le feu. Le choix des acteurs, par exemple, peut symboliser un vrai dilemme. L’interprète doit, en effet, satisfaire l’équipe du film mais aussi le public et les ayants droits de la personnalité concernée. Sacha Baron Cohen, par exemple, fut longtemps pressentie pour le rôle de Freddie dans Bohemian Rhapsody. Les membres du groupe, au courant de la réputation plutôt …sulfureuse de l’acteur, n’était pas tous d’accord sur ce choix.

Extrait du tournage de Bohemian Rhapsody, Bryan Singer & Dexter Fletcher

Ce genre d’incident diplomatique est donc à prendre en compte quant aux choix faits sur le tournage au risque de perdre un temps et des billets verts précieux. Il arrive parfois même que le film soit totalement répudié par les proches comme ce fut le cas du Yves Saint Laurent de Jalil Lespert auquel Pierre Bergé à refuser sa bénédiction. Les maisons de disques et autres marques créées par la personnalité dont il est question sont également à prendre avec des pincettes. Le film peut, en effet, représenter plus qu’une oeuvre mais un véritable coup marketing apportant un regain d’intérêt pour l’oeuvre de leur créateur. Une véritable partie d’échec donc où chacun veut poser ses pions. 

Les attentes du public / le message d’un biopic 

Le premier à contenter cependant reste le spectateur. C’est lui en effet qui décidera in fine de la qualité et surtout de l’avenir du film. 

Le biopic, c’est donc une arme puissante. Il s’agit d’une très astucieuse façon de faire passer un message qu’il soit politique ou non par le biais d’un storytelling attirant. La personnalité choisie pour être représentée est souvent appréciée dudit public qui va éprouver du plaisir à le voir mis en scène voire apprendre de nouvelles anecdotes. De célébrités, elles passent alors à presque demi-dieux, immortalisées sur l’écran comme Jésus et ses apôtres sur les vitraux d’une église de campagne. On en occulterait presque (on a dit presque hein) les parties sombres de l’histoire comme, par exemple, la relation trouble de Coco Chanel avec l’Allemagne nazie et les Wertheimer. Des éléments peuvent même être (quelques peu) transformé pour satisfaire le propos du film comme cela s’est vu sur The Social Network que Mark Zuckerberg déteste, lui reprochant de le faire passer pour un véritable loser solitaire avant d’avoir l’étincelle. “Si le film voulait être vraiment proche de la vérité, ils auraient dû me filmer pendant deux heures face à mon ordinateur parce que c’est comme ça que c’est arrivé. En travaillant”, déclarera-t-il. 

The Social Network, David Fincher (2010)

De nos jours considéré comme une “valeur sûre”, le biopic est souvent vu par les producteurs comme une opération à risque limité puisque le public est déjà conquis par le personnage lui-même. Sa production et sa réalisation ne figurent pas une partie de plaisir cependant. De nombreux éléments entrent en compte avant même que le film ait vu le jour. Le biopic apparaît cependant comme un formidable outil de divertissement …mais pas que. Après si on part sur un Abraham lincoln, chasseur de vampires là, beh on peut plus rien faire. 

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