Explociné: Mauvais genre/ La visibilité trans au cinéma

Le mouvement Me too a mis un grand coup d’accélérateur sur le sort des minorités au cinéma. La communauté LGBTQI+ profite également de ce coup de projecteur ces dernières années. Longtemps parent pauvre du mouvement, les transgenres bénéficient petit à petit de belles occasions de faire leur place sur nos écrans. 

But first, un petit lexique s’impose : 

Transgenre : individu dont l’identité et l’expression de genre diffère du sexe assigné à la naissance 

Drag queen: individu qui se construit une identité du sexe opposé basé volontairement sur des archétypes le temps d’une performance

Cisgenre: individu dont l’identité de genre correspond à son genre de naissance 

Réassignation de genre : ensemble d’opérations chirurgicales permettant de modifier les caractéristiques sexuelles initiales d’un individu 

Mégenrer : ne pas respecter le pronom correspondant à l’identité de genre ressentie par une personne 

Deadname: nom de naissance d’une personne transgenre 

Transition: désigne le chemin d’une personne trans. Celui-ci est personnel et multiple. Certains choisissent les hormones, de la chirurgie ou simplement joue avec les codes. 

Un peu d’histoire …

Buffalo aka Ted Levine in Le silence des agneaux (Johnathan Demme, 1991)

Avant les années 2000, très peu de films grand public montre à l’écran des personnages transsexuels. Ces derniers sont d’ailleurs très souvent extrêmement archétypales. Ils sont, en effet, le plus souvent associé au monde de la nuit, à la drogue, à la prostitution voire carrément à la folie et à la violence. Tout le monde se souvient du personnage du Silence des Agneaux (Johnathan Demme, 1991) qui développe un intérêt tout particulier pour la peau des femmes. 

Le cinéma underground, quant à lui, leur offre une plus grande plateforme d’expression (toute proportion gardée). Le cas de la transidentité y est exploré avec plus de profondeur avec par exemple Glen ou Glenda (Ed Wood, 1953) ou l’année des treize lunes (Rainer Werner Fassbinder, 1978). 

Le tournant du nouveau millénaire voit les personnages transsexuels apparaître plus souvent dans les salles obscures. Si ces apparitions se diversifient et se complexifient, la transidentité est encore souvent un prétexte comique ou tragique. Le nombre de films qui traitent du sujet augmente cependant et notamment depuis les années 2010. La communauté LGBT, en effet, bénéficie petit à petit d’une plus large représentation ce qui a pour répercussion une compréhension plus complexe et surtout plus diverse de la transidentité par le public. 

Stéréotype mon amour 

La transidentité, comme la plupart des minorités, fait face à de nombreux préjugés. Ceux-ci ont été malheureusement largement diffusés par le cinéma, médium des masses par excellence. Si on ajoute à cela la petite dimension de représentation, l’image des transsexuels a été plutôt malmenée. 

Gad Elmaleh aka Chouchou in Chouchou (Merzak Allouache, 2003)

Le personnage trans c’est d’abord un prétexte, on rit du travestissement d’un homme en femme ou vice versa source de quiproquos en tout genre. La Cage aux folles (Edouard Molinaro, 1978) ou encore Chouchou (Merzak Allouache, 2003) ont, certes participé à la visibilité de la communauté mais sont également remplis de ces fameux clichés comiques. 

La transidentité c’est aussi le moyen de pointer d’amener (voire d’incarner carrément) la déchéance et la folie. Les transsexuels vendent leurs corps, sont vulgaires, se droguent et parfois même tuent. Une très belle image du cercle vicieux de la transphobie entre ignorance et rejet.  

“Le trans” est bien souvent un personnage secondaire, haut en couleurs. Lorsqu’il se trouve cependant poussé au premier plan, ce n’est que pour commenter sa transition. La majeure partie des intrigues qui impliquent un personnage transgenre repose souvent sur le problème du réassignement physique à l’aide des fameux tournants scénaristiques bien connus: la révélation “choc” du sexe de naissance, une longue histoire tragique autour de “l’opération”. 

Si le rôle des transsexuels à l’écran prend en profondeur, un point important est également à noter : une grande partie des rôles transgenres sont encore joués par des acteurs cis. Une affirmation qui n’est pas notable dans l’autre sens. 

Doucement mais surement 

Une vision plus nuancée toutefois fait son entrée par le petit écran. Pose, Orange is the new black ou encore Euphoria abordent, en effet, le sujet de la transidentité avec plus de délicatesse. Les personnages sont complexes et puissants à l’image d’Elektra (Dominique Jackson) dans Pose ou encore Sophia (Laverne Cox) dans Orange is the new black

En salle, la révolution arrive plus lentement mais sûrement par le cinéma d’auteur principalement avec des films (encore peu nombreux) tels que Port authority (Danielle Lessovitz, 2019) ou Tangerine (Sean S.Baker, 2015) qui comporte non seulement des rôles transgenres au premier plan mais surtout joués par des acteurs transgenres eux-mêmes. 

Tangerine, Sean S. Baker, 2015

Gaspar Noé pour Climax (2018), fait rarissime, engage également une actrice trans pour jouer un rôle cis. Le film Port Authority, dont l’intrigue tourne autour de la transidentité, a d’ailleurs été présenté au festival de Cannes en 2019 avec une montée des marches des plus flamboyantes. 

La révolution ce n’est pas vraiment pour tout de suite mais elle se prépare face caméra. On peut également souhaiter pour l’avenir l’apparition de plus de femmes et d’hommes transgenres à des postes clés tels que les réalisatrices Lilly et Lana Wachowski. 

La visibilité de la transidentité ne fait qu’accroître. Ses représentations se complexifient, de même que la vision du public. Face et derrière la caméra, le changement se donne à voir. Reste à faire de même pour l’ensemble du spectre de genre dont le manque de visibilité et de nuance est encore grandement à déplorer.

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