Diderot disait (déjà) que “les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête”. L’association du concept de santé mentale et de l’art n’est pas nouvelle et universellement connue. Les comics Marvel parlaient de traumatismes et de leurs conséquences dès les années 1960 (Batman, Moonlight Knight). Le grunge de Kurt Cobain ou la vibe dark de Billie Eilish ont, quant eux, mis en avant leur bataille avec eux-même. Aujourd’hui, les artistes parlent toujours de santé mentale mais c’est tout autant pour exorciser leurs propres démons que pour partager leur expérience avec ceux qui la vivent également. Une large scène s’est créée pour le discours autour des troubles mentaux ces dernières décennies. La question est en passe d’être normalisée mais n’est elle pas aussi en train de se transformer lentement en norme commerciale ? Entre soutien et coup marketing, petite enquête..
Libération de la parole
La pandémie mondiale a permis de libérer le discours autour de la santé mentale et des pathologies qui y sont associées. Si le mouvement n’est pas nouveau, le vaste ré
seau numérique l’a amplifié. Des comptes Instagram spécialisés aux témoignages Youtube, le tabou se brise lentement autour de l’illusion d’un équilibre mental immuable et sans failles. Bella Hadid parle de sa dysmorphophobie sur Instagram. Billie Eilish chante ses envies suicidaires et des millions de personnes se connectent à ce discours qu’ils ont, eux aussi, connu. Ce phénomène, par la communauté de ses portes paroles, participe alors d’une meilleure acceptation des pathologies telles que la dépression, le syndrome post-traumatique ou encore l’autisme et surtout d’un accompagnement et d’une meilleure prise en charge de celles-ci.
Glamourisation du mal être
Cette vague d’intérêt autour de la santé mentale apporte aussi son lot de dérives. La masse de contenus autour de la question et surtout d’œuvres créées participe néanmoins d’un phénomène de glamourisation des ces pathologies. Tout comme les jeunes des années 1990’s portaient leur marginalisation en hommage à leur idole de Nirvana, parler de sa santé mentale et montrer son mal être semble être devenu un incontournable sur les réseaux. Des hashtag comme “sadboy” et “saddepressed” comprennent des dizaines de publications Instagram. Les clichés, cependant, sont encore présents comme la violence systématique du trouble mental ou encore le génie absolu des autistes (cc Rain man) et, bien entendu, le lien entre santé mentale et créativité. Des séries comme Euphoria sont un exemple criant de cette tendance à mi-chemin entre l’éducation des publics et la glamourisation de pathologies bien réelles et pas forcément remplies de make-up pailletés.
Normalisation ou effet de mode ?
Si la libération de la parole autour du concept de santé mentale ne date pas d’hier, il est aujourd’hui plus que jamais sur le devant de la scène. Les industries culturelles, par leur capacité à parler à un large public, participent de ce phénomène. C’est justement cette capacité qui en fait un outil tout aussi formidable que problématique. Si elle permet de rendre accessible le discours autour des troubles mentaux comme le fait Euphoria, elles peuvent participer d’une romantisation de leur représentation mais aussi dans le cliché du génie incompris qui réussit à surpasser ses troubles pour créer une œuvre originale. Comme toute révolution, l’éducation à la santé mentale apporte son lot de dérives qui ne pourront être contenues que par là d’où elles viennent, la pop culture.