Explociné: Mauvais genre/ Paris is burning, entre révélation et interprétation

De l’histoire des coups d’Etat, le Paris is burning de Jennie Livingstone a mérité sa place. Sorti en 1991, le film est un documentaire autour de la scène ballroom de New York à la fin des années 1980. Le monde est alors en pleine épidémie de sida et la communauté queer est extrêmement stigmatisée. Plus encore, le racisme est très présent au sein même de la communauté. Latinos et afro-américains sont souvent mis sur le banc de touche et ripostent en crééant les balls, des concours de beauté au sein desquels les houses défilent et vogue pour obtenir le premier prix. 

Une communauté encore très peu connue à l’époque de la sortie du film et qui ne fera que gagner en lumière dès lors. 

Un film culte  

Paris is burning a donc permis de mettre sur le devant de la scène une communauté qui était encore très méconnue. Le New York des années post-Stonewall est, certes, de plus en plus tolérant mais beaucoup de chemin reste encore à parcourir. Des dizaines de jeunes gens se retrouvent à la rue suite à la révélation de leur différence. Ils dansent voire se prostituent en échange de quoi manger. Central Park est d’ailleurs devenu un haut lieu de rassemblement de cette jeunesse brisée. Les communautés noires et latino, en particulier, subissent la violence du racisme en plus de l’homophobie. Les houses (fr “maisons”) vont alors voir le jour et permettre à ces jeunes de retrouver un toit et une éducation. 

Paris is burning, c’est donc un film sur la communauté dans la communauté. Sous toutes ces paillettes et étoffes, c’est la violence du rejet et de l’ignorance qui est racontée. Le film fera l’effet d’une petite révolution dans une société encore terrifiée par le “cancer gay”. Il remporte un certain nombre de prix dont le Grand Prix du Jury documentaire au Festival du Film de Sundance en 1991. Il permet surtout de populariser une culture qui s’est désormais étendue à l’ensemble de la communauté LGBTQI+. 

Une communauté qui s’organise 

Ce que montre le film, c’est surtout une communauté qui se reconnaît, qui se codifie. Il s’agit là d’un vrai monde de la nuit, souterrain où règne étoiles filantes et prédateurs. 

On ne parle pas encore de communauté LGBT mais de communauté gay. On ne parle pas de transgenre et encore moins de bisexualité ou même de non-binaire. La notion de changement de sexe est cependant déjà abordée. L’un des protagonistes déclare rêver d’être une “vraie femme”. Une notion de “faire vrai” qui jure avec le fantasme des ballrooms malgré qu’elle se retrouve dans les catégories “realness”. De l’importance de ce paraître vrai suinte le désir d’intégration dans une société qui les voient, au mieux, comme des bêtes de foire. Il s’y traduit également et surtout l’envie de coller au maximum à la personne que l’on souhaite devenir. 

Les paillettes et le glamour dissimulent donc avec un peu de peine le malaise d’une communauté qui commence tout juste à sortir de la nuit. 

Controverse ou le complexe du documentariste 

Paris is burning, malgré son succès auprès de la communauté queer comme mainstream, n’est pas tout à fait blanc de tout débat. La réalisatrice a notamment été accusée d’avoir payé de façon inégale les participants et surtout d’avoir profité de la renommée du film. Ce qui d’ailleurs n’est pas tout à fait vrai lorsque l’on voit la carrière de Jose Xtravaganza qui devint l’un des danseurs de Madonna et l’initia au voguing. 

Le principal conflit repose en ce que Jennie Livingstone ne faisait pas partie de la scène ballroom. Elle était, certes queer mais ne participait pas aux balls, était blanche et allait à l’université. Il s’agit là de la problématique récurrente, si ce n’est constante, à laquelle se heurte les documentaristes. Doit-on avoir vécu pour témoigner ? Si je suis extérieur, suis-je réellement objectif ? 

Des questions sans réponses mais qui alimentent encore de nombreuses tables rondes. 

Paris is burning est sans conteste l’un des piliers de la culture queer. Malgré la controverse, Jennie Livingstone a tout de même permis de mettre en lumière une communauté brisée par le sida et la violence. Une communauté qui a ainsi pu trouver une existence et une légitimité. 

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