Ce lundi 1 mai s’est tenu l’iconique Met Gala. On ne présente plus le plus célèbre gala de charité de New York. Parce que, oui, le Met gala est avant tout un événement avec pour objectif de rassembler des dons au profit du musée…du Met (le Metropolitan Museum of Art pour être précis). Depuis quelques années, et grâce à la main créative mais ferme de la non moins iconique Anna Wintour, le Gala est devenu l’un des point d’orgue de la mode et de la celeb-sphère. C’est LE lieu où il faut être vu. L’invitation au Met est donc aussi importante pour les VIPs que pour les couturiers qui sont choisi par ces derniers pour les habiller. Les maisons rivalisent alors de créativité pour créer le red carpet moment de l’édition selon le thème choisi en rapport avec une grande exposition au musée.
Le Met Gala c’est surtout un événement ultra médiatisé. Vous le voyez venir, c’est donc une plateforme parfaite pour défendre ses convictions de manière plus ou moins frontale. On se souvient, par exemple, de la députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez en 2021 et de sa robe taguée “Tax the rich” ou du manteau arc-en-ciel du producteur de théâtre Jordan Roth (aussi en 2021).
Cette année, donc, le Met Gala rendait hommage au couturier allemand Karl Lagerfeld, disparu en 2019. S’il est devenu une légende dans le monde de la mode de part, notamment, sa silhouette iconique, son travail chez Chanel et son amour pour son chat Choupette, l’idée de lui rendre hommage est loin d’avoir fait l’unanimité.
A la suite de Jameela Jamil, le débat a enflé sur les réseaux. En cause ? Les propos polémiques déclarés par le couturier allemand tout au long de sa carrière. On ne compte plus, en effet, les déclarations problématiques et notamment grossophobes. Il était également ouvertement critique envers le mouvement #metoo. Mouvement dont il se déclarait d’ailleurs “fatigué”.
Hommage ou pas hommage ?
C’est donc un personnage clivant qu’Anna et le MET on choisit d’honorer cette année. Jameela Jamil, qui s’est élevée contre ce thème dès qu’il fut annoncé, mais aussi une association de modèles ont protesté contre le choix d’un hommage à Karl Lagerfeld non seulement sur l’un des red carpets les plus médiatisés mais aussi au travers d’une exposition dans l’un des plus grands musées du monde.
Les défenseurs du Kaiser Karl prônent un esprit libre et indifférent à l’avis des autres ainsi qu’un génie créatif tandis que ses détracteurs dénoncent des propos qui, post-Weinstein, ne passent pas. Le conservateur de l’exposition, lui, a déclaré avoir bien conscience de la polémique mais a expliqué vouloir mettre en avant “le travail du couturier plutôt que les mots ou l’homme (…). La seule chose qui était authentique, réelle et tangible était sa production créative”. Une déclaration qui n’a fait que jeter de l’huile sur le feu des réseaux enflammés par le débat autour de la séparation de l’homme et de l’artiste et du double standard favorable aux célébrités.
Les goûts et les couleurs ça ne se discute pas. Cet adage qui sent fort la naphtaline a bien raison dans la vie. Pour ce qui est de l’art et du design, si on peut, certes, difficilement remettre en cause les goûts de votre tonton Jéjé pour les Fast’n’furious, la réflexion autour des couleurs, elle, est au centre de toute démarche de création. La couleur est en effet l’un des piliers d’une œuvre qu’elle soit dessinée, peinte, animée…. Si elle fait autant débat, c’est en raison de la charge d’expression culturelle et psychologique qu’elle contient. Petit tour, non exhaustif, de la relation entre couleur et arts visuels.
Un peu de théorie des couleurs
La théorie des couleurs est assez fascinante une fois que l’on s’y plonge. Au-delà de tout ce que vous pourriez trouver, rappelez-vous surtout cette combinaison de base : teinte, saturation et luminosité (ENG: HSB ou Hue, Saturation, Brightness).
La teinte c’est la couleur elle-même.
La saturation c’est son intensité.
La luminosité, enfin, désigne à quel point…roulement de tambour… la couleur est claire ou foncée.
La triade HSB est la base de toute réflexion sur la couleur. Il existe ensuite tout un tas de “règles” régissant (ahah) les différentes combinaisons et utilisations qui en sont faites. Les couleurs primaires, par exemple, se marient bien avec les couleurs secondaires. C’est ce que l’on appelle un couple complémentaires car elles sont opposées sur le cercle chromatique tel que le jaune et le violet ou le orange et le bleu. Il existe un certain nombre de ces combinaisons (triadiques, carré, adjacentes…) mais le meilleur moyen de découvrir tout cela est encore de les tester en direct via vos médiums favoris.
Ce que la couleur nous raconte
Les règles de la théorie des couleurs permettent de codifier son utilisation. Trop s’imprégner de celle-ci peut cependant uniformiser l’arc-en-ciel. La couleur est, en effet, un moyen d’exprimer son style et ses goûts personnels (plutôt froid, cinématique, saturé, joyeux) mais c’est aussi un véritable outil de mise en scène. Le choix des couleurs qui vont être utilisées et surtout de quand elles vont apparaître permet de plonger le public dans une ambiance ou de lui faire comprendre un message de façon plus subtile mais non moins parlante qu’un panneau lumineux.
La cabine du concierge du Grand Budapest Hotel (in 1932 and 1968)
La couleur influence notre perception. Elle provoque chez nous une réponse émotive, une association consciente ou inconsciente issue de notre imagination personnelle mais aussi culturelle.
Toute une histoire
Parler rapidement de la couleur n’est pas aussi simple que cela en a l’air. Les différentes combinaisons permettent de créer un rendu qui sera plus ou moins agréable à l’œil humain mais lorsqu’il s’agit de se pencher sur leur signification, c’est tout un monde de possibilités qui s’ouvre… au sens propre.
On a tendance à associer le rouge avec la passion, le danger voire le sang. Il est d’ailleurs utilisé sur certains drapeaux pour représenter le sang versé pour la défense du territoire. Le jaune, quant à lui, appelle plutôt la joie. Les associations de couleurs avec des concepts abstraits sont universels mais toutefois pas uniformes. Le plus célèbre de ces non uniformisation est la couleur du deuil qui n’est pas le noir partout. En Inde ou en Chine, par exemple, le blanc est de mise. L’or, de même, symbolise la richesse, la fortune et la fécondité en Occident tandis que dans le bouddhisme elle réfère plutôt à l’éveil de la conscience, la spiritualité, le bonheur et la santé.
La couleur dans l’art visuel est tout autant un outil qu’une prolifique source d’inspiration. Elle permet non seulement de rendre plus agréable notre expérience en tant que public par la création d’un rendu harmonieux à l’oeil mais aussi de traduire un message. Ce dernier peut être interne au langage du film comme être associé à un moment, un lieu, un personnage ou s’inscrire dans le langage encore plus vaste du culturel. Une science expérimentale à creuser donc.
Le petit livre des couleurs, Pastoureau
L’étonnant pouvoir des couleurs, Jean Gabriel Causse
Décédé ce 28 novembre des suites d’une forme rare du cancer du cœur, Virgil Abloh était une figure phare de l’industrie de la mode de ces dernières années. Directeur artistique de la ligne homme chez Louis Vuitton, fondateur de la marque Off White et ami de Kanye West, ce fils d’immigré ghanéens est surtout encensé pour son parcours digne de l’American Dream et son humilité.
Il est diplômé d’un bachelor en génie civil et d’un master en architecture à l’Illinois Institute of Technology
C’est d’ailleurs lors de l’inauguration de son premier espace entre galerie d’art et boutique mode et design en 2009 à Chicago qu’il sera repéré comme l’un des visages à suivre.
Il a été directeur artistique de Kanye West pendant quatorze ans
Il est d’abord engagé comme “creative consultant” , à 22 ans, pour Kanye West et l’agence Donda. On lui doit le design de la pochette de l’album Watch the Throne laquelle va le pousser sous les projecteurs en remportant un Grammy.
II a créé une ligne de meuble en partenariat avec IKEA
La ligne Markérad est composée de meubles et accessoires de décorations se voulant uniques, innovants et fonctionnels. Virgil s’intéressait surtout à “poser sa pâte sur un classique”. L’un des axes principaux du process créatif du designer qui ne cessait d’inventer mais surtout de ré-inventer.
C’est le premier directeur artistique de couleur chez Louis Vuitton
Nommé en 2018, il s’agit là d’une véritable consécration pour l’un des rois du streetwear. L’homme s’est imposé en quelques années à peine comme l’une des figures incontournables de la fashionsphère et surtout des industries créatives en général.
Il a été DJ sous le nom de Flat White
Avec Heron Preston et Matthew Williams, il passe au début des années 2010 par le collectif Been Trill. Celui se revendique groupement de DJ mais aussi collectif artistique. Le groupe a également une marque de streetwear dont l’image est fortement inspirée de la culture digitale, du deep web et des grandes cités.
Virgil Abloh était avant tout un visionnaire. Il souhaitait avant tout simplifier les interactions entre la pop culture et surtout la culture street et les grandes institutions du luxe. A l’image de Off White, sa marque lancée en 2013 et, selon le Washington Post, “qui s’inscrit dans un esprit de réconciliation artistique entre les admirateurs des vieilles maisons et une génération vivant sur les réseaux sociaux”. Une volonté de modernité qui n’était pas si évidente au début des années 2010. Un visionnaire, on vous dit !
Le Bauhaus fêtait ses 100 ans en cette année 2019. Ce courant révolutionne, à ses heures de gloire, l’approche disciplinaire tant de l’architecture, du design et de l’artisanat. Il permet, surtout, l’émergence d’une philosophie de l’art qui inspirera la pensée artistique du XXe siècle.
Mais le Bauhaus, finalement, on en parle beaucoup mais qu’est ce que c’est ?
Petite explication illustrée …
Vous avez dit Bauhaus ?
Le Bauhaus est une école d’architecture fondée en Allemagne (à Weimar exactement) en 1919 par l’architecte et urbaniste Walter Gropius. Oui ! La même Weimar qui a accueilli tant d’événements incontournable de l’histoire de l’Allemagne. L’école s’installera un temps à Dessau et finira ses jours à Berlin aux alentours de 1933. Sa chute sera principalement causée par la mauvaise opinion publique (mais surtout politique) que cause les idées communistes de ses élèves. Il ne fait pas bon être trop révolutionnaire au début du XXe siècle et surtout considérant le climat de montée du nazisme. Suite à la dissolution de l’école, il s’ensuivra une diaspora de ses membres, professeurs comme élèves. Cette diaspora permettra le prêche d’un nouveau style aux quatres coins du monde.
Le Bauhaus, donc, prône une philosophie qui révolutionnera notre façon d’habiter l’objet et le design. Il s’agit, en effet, de mélanger art et design. La contrainte est que la création (objet ou building, le plus souvent) doit être pratique et simple d’utilisation mais surtout il doit être facilement reproduisible à grande échelle. En plein développement industriel, il y a du génie. Elitisme et rareté chère sont donc banni !
L’objectif final de cette philosophie designique est ainsi de faire rentrer l’art dans nos foyers et nos usages et donc développer l’idée d’un art pour tous.
L’enseignement sera divisé en différents ateliers tel que bois, métal ou textile afin d’expérimenter tout type de discipline.
On notera, d’ailleurs, que l’une des plus grandes avancées de l’école est la présence des femmes au sein de ses élèves. Si celles ci sont plutôt dirigées vers le design textile et la couture, il s’agit là d’une avancée remarquable pour les années 20.
T.Lux Feininger , Les tisserandes dans les escaliers du Bauhaus à Dessau, vers 1927
L’esthétique Bauhaus en action
La patte Bauhaus se reconnaît principalement à son style épuré. “Faire simple et pratique”, on a dit ! Dans le cas du design objet, cette philosophie se retrouvera notamment dans le choix de formes et des motifs, certes, originales mais toujours simple d’utilisation. Son architecture, quant à elle, se concentrera sur des façades épurées (pas si évident au début du XXe) et surtout l’utilisation de l’acier et du verre afin de créer des bâtiments fonctionnels.
1. La célèbre chaise VASSILY (Marcel Breuer, 1925/26), 2. POIGNEE DE PORTE (Walter Gropius, 1923)
On notera, d’ailleurs, que la Vassily, icône Bauhaus s’il en est, tire son nom du peintre Vassily Kandinsky qui fut professeur et en profita notamment pour développer sa théorie des couleurs.
1. Maison Avraham soskin (Tel Aviv, 1933), 2. Ecole du Bauhaus (Dessau), 3. Haus am Horn (Weimar, 1924)
Le Bauhaus aujourd’hui
Les exemples présentés ne sont bien sûr qu’une infime sélection de la production Bauhaus. La diaspora de ses fidèles permet d’ailleurs la dispersion de bâtiments, design et autres oeuvres picturales qui sans être tout à fait Bauhaus, s’en imprègne indubitablement.
Seagram Buildings, New York, 1958
Ce superbe building new yorkais, par exemple, fut conçu bien après la fin de l’école Bauhaus. L’un de ses concepteurs cependant est Ludwig Van der Rohe, architecte de son état et surtout directeur Bauhaus de 1930 à 1933.
Quantité de designers se revendiquent du Bauhaus, que ce soit de sa philosophie ou de son esthétique (peut on d’ailleurs, dans ce cas précis, les dissocier ?). On ne peut nier cependant, et ce malgré l’excessif énervement, que cette philosophie du pratique, du simple et surtout de l’art pour tous a révolutionné nos pratiques. Elle s’est, plus encore, imprégnée dans notre esthétique quotidienne et éduque notre oeil en toute simplicité. Alors, le Bauhaus, histoire ancienne ou philosophie vivante ?