#ACTU: César 2020, l’effet Michael Jackson

Samedi soir à la Salle Pleyel dans le VIIIe arrondissement de Paris s’est déroulé la cérémonie des 45e Césars du cinéma. Entre tension et récompenses, retour sur un événement qui affole la blogosphère… 

Palmarès 

. César du meilleur film : Les Misérables, Ladj Ly 

. César de la meilleure réalisation : J’accuse, Roman Polanski 

. César de la meilleure actrice : Anaïs Demoustier pour Alice et le Maire de Nicolas Pariser

. César du meilleur acteur : Roschdy Zem pour Roubaix, une lumière de Arnaud Desplechin 

. César du meilleur acteur dans un second rôle : Swann Arlaud pour Grâce à Dieu de François Ozon 

. César de la meilleure actrice dans un second rôle : Fanny Ardant pour La Belle Époque de Nicolas Bedos 

. César du meilleur film étranger : Parasite, Bong Joon ho

. César du meilleur premier film : Papicha, Mounia Meddour 

. César du meilleur espoir féminin: Lyna Khoudri, Papicha (Mounir Meddour)

. César du meilleur espoir masculin : Alexis Manenti, Les Misérables (Ladj Ly)

. César du meilleur scénario original: Nicolas Bedos pour La Belle Epoque 

. César du meilleur court métrage d’animation : La Nuit des sacs plastiques, Gabriel Harel 

. César du meilleur court métrage d’animation : J’ai perdu mon corps, Jérémy Clapin 

. César du meilleur documentaire : M, Yolande Zauberman 

. César du meilleur court métrage : Pile Poil, Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller 

. César de la meilleure adaptation : Roman Polanski et Robert Harris pour J’accuse, d’après le roman D. de Robert Harris 

. César de la meilleure photographie : Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma 

. César de la meilleure musique originale : Dan Levy pour J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin 

Polémique 

Malgré la remise de très beaux prix comme Meilleur Premier film pour Papicha, la cérémonie a surtout été marquée par l’annonce de la victoire de Roman Polanski pour le Meilleur réalisateur et les réactions suscitées. 

Le réalisateur est en effet sous le coup de nouvelles accusations pour viol et ses douze nominations avaient déjà beaucoup (beaucoup, beaucoup) secoué la “grande famille du cinéma”, il y a quelques mois. La maîtresse de cérémonie, Florence Foresti, avait également été fortement sollicitée par le public afin de dénoncer ces nominations. C’est donc dans une ambiance électrique que le réalisateur de Rosemary’s Baby annonce qu’il ne se rendra pas à la cérémonie quelque jours avant la tenue de celle ci. Une décision sage qui a permis de calmer un tant soit peu le climat en ce 28 février. 

Florence Foresti commence toutefois la soirée avec un discours ouvertement anti Polanski agrémenté de petites pics sur la liberté d’expression. La bombe explose finalement lorsque l’on annonce Polanski lauréat du Meilleur réalisateur. Adèle Haenel, suivie de près par l’équipe de La Jeune Fille en feu, quittent la salle en criant “La honte!”. Florence Foresti a également refusé de remonter sur scène ensuite et les réseaux se sont envahis de messages de soutien. Des manifestations se sont également tenues en marge de la cérémonie contre le réalisateur. 

Tout un symbole 

Quelques temps avant la cérémonie, toute l’administration de l’Académie des Arts et Techniques du cinéma a démissionné. Un geste fort qui devrait permettre “un renouvellement” déclare le communiqué de presse. Un geste fort qui n’est pas sans signification dans une industrie qui peine à se retrouver entre les #Oscarsowhite et autres autres #Metoo. 

C’est dans ce contexte, donc, que résonne la nomination de Roman Polanski. A travers lui, ce n’est pas le réalisateur qui est visé mais l’idée même du patriarcat agresseur et d’une industrie jugée élitiste. Polanski, malgré lui, cristallise ce que la montée du féminisme condamne. Le geste d’Adèle Haenel devient alors plus que féministe, il se rend politique. 

La libération de la parole induite par les réseaux sociaux permet cependant un phénomène insidieux et vieux comme le monde. S’il faut certes dénoncer, effectivement, la place publique ne doit pas devenir le lieu de la diabolisation d’un seul homme. La peur et la colère ne doit pas nous détourner du souvenir d’événements tels que Salem et ses sorcières, le Maccarthysme et même… l’affaire Dreyfus (oui, oui). Roman Polanski, s’il est certes, sous les coups de nombreuses accusations, reste un homme en attente de jugement. C’est à la justice et non à un tribunal populaire/bûcher d’en faire le procès. Si l’on s’octroie le droit de faire justice soi même avant même un jugement impartial, c’est la démocratie elle même qui est en péril. 

La décision de l’Académie des Césars, cependant, de nommer un si trouble personnage et en un tel contexte, est cependant lourde de sens, symbole, statement (rayez la mention inutile). 

L’importance du contexte 

Parmi toutes les questions que soulève cette cérémonie, une surtout ressort: peut on encenser ou pénaliser une oeuvre au regard du passif de son créateur et non de sa qualité ? 

Vaste question pour laquelle chacun y va de sa déclaration. Si le choix de récompenser un artiste au plus fort de sa polémique à quelque chose du coup d’Etat, ne perdons pas de vue qu’une oeuvre mais surtout un film est le résultat d’un travail d’équipe. Ne pas récompenser Polanski ou un autre personnage similaire est certes, un acte politique mais pénaliser son équipe ne serait pas juste. 

Notons également, qui parmi nous à étudié Heidegger ou Céline au lycée ? Qui n’a pas sourit en entendant les premières notes de la Chevauchée des Walkyries dans nombre de films à succès ? Qui ne considère pas Autant en emporte le vent comme l’un des grands classiques du cinéma ? 

Il ne faut pas certes séparer l’homme de l’artiste car c’est l’homme qui impose son schéma de pensée à l’artiste. Il ne faut cependant pas diaboliser l’oeuvre qu’il crée. Sans aller jusqu’à adorer Mein Kampf (on est bien d’accord hein), il est néanmoins important de se rappeler que toute oeuvre s’inscrit dans un contexte historique, psychologique, politique…. L’importance est donc non pas d’une quelconque séparation de l’homme et l’artiste mais bien de ne surtout (surtout) jamais séparer l’oeuvre de son contexte. La sensibilisation et surtout l’éducation sont aujourd’hui plus que jamais des clés indispensables pour aborder toute création.


Cette 45e cérémonie est donc celle de l’explosion. Explosion d’Adèle Haenel lorsqu’elle sort de la salle Pleyel. Explosion de pitreries grotesques voire parfois carrément gênantes  en miroir avec les polémiques de cette soirée (mâtinées d’un “Je vais pas gérer ça toute seule” plein de sens) de Florence Foresti. C’était l’explosion surtout d’une industrie qui peine à prendre le virage. J’en veux pour preuve l’introduction en hommage à Joker, succès US de l’année et aucune ou presque mention ou hommage aux artistes pourtant bien présent qui ont marqué le cinéma français en 2019. Une crise politique qui nous fait regretter les beaux moments de cinéma des débuts de la cérémonie dans les années 1950’s. Espérons que la coulée de lave suite à l’explosion soit fertile et que le cinéma retrouve son chemin.

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