Si on regarde la pochette de l’album du Jimi Hendrix Expérience “Are you experienced”, de l’album éponyme “The sacred mushroom” ou encore celle de “Odyssey and Oracles” par The Zombies, le style musical de ces albums transpire sans même connaître l’artiste. L’art psychédélique est, en effet, indissociable de la fin des sixties. Ses arabesques et collages aux couleurs vives ont grandement marqué l’esthétique de la période et sont encore associés à sa philosophie. Au-delà d’une esthétique bien distincte, l’art psychédélique de cette fin de décennie traduit le caractère de son époque et s’intègre dans une place de choix dans l’histoire de l’art avec un grand H. 

Qu’est ce que ça veut dire “psychédélique “? 

Selon le cnrtl, il s’agit d’un état psychique provoqué par l’absorption de drogues hallucinogènes et consiste en un débordement délirant des idées et une distorsion des faits et images réels qui peuvent aller jusqu’aux hallucinations psycho-sensorielles. Jusqu’ici rien de nouveau. Le terme psychédélique, en lui-même signifie “qui révèle l’âme”. De “psyché” qui signifie âme en grec, et “deloos” , c’est-à-dire “montrer, rendre visible”, psychédélique est un terme inventé par le psychiatre H. Osmond en 1957 dans un échange de poème avec le poète Aldous Huxley. Les deux hommes échangeaient à propos de leurs expériences mutuelles sous substances. Le terme fut toutefois popularisé par Timothy Leary, l’un des papes du mouvement de l’usage thérapeutique du LSD. 

Dans les années 1950’s, le milieu médical s’intéresse fortement au cerveau humain et à sa perception du monde. Chimie, psychologie et psychiatrie s’associent pour des recherches sur le pouvoir de diverses substances et notamment une toute nouvelle substance, le LSD. Cette dernière fut synthétisée par Albert Hoffman et Arthur Stoll chez Sandoz en 1938 et 1943 d’après des dérivés de l’ergot de seigle. Elle intéresse très tôt les médecins mais aussi les artistes (Beat generation et hippy en tête) puis plus tard les premiers rois de la Silicon Valley. Assez facile d’accès au début des années 1960’s, elle marquera de nombreuses têtes connues du milieu culturel. 

LSD, donc, mais aussi l’intérêt des sixties envers les substances utilisées par les chamanes des tribus amérindiennes (du nord comme du sud), ont marqué la fin des sixties par une recherche de l’au delà (des sens, de la perception, de l’égo, de la réalité…). L’esthétique de l’époque fut ainsi très fortement marquée par ces trips extra-psyché. 

Un mouvement moderne 

A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le monde était en proie à de grands changements. La révolution industrielle a apporté avec elle, le télégramme puis le téléphone, la télévision et surtout les grandes industries. Les vies et l’environnement de l’époque s’en trouvent radicalement transformés. Ce qui n’était pas tout à fait au goût de nombre d’artistes qui trouvait tout simplement que ce nouveau monde industriel et urbain était tout simplement moche. Ils choisirent alors de traduire le dynamisme de leur temps par des motifs floraux associés à une calligraphie tout en pleins et déliés.  C’est ainsi que se développa un mouvement qu’on connaît aujourd’hui sous le nom d’art nouveau chargé, lui aussi d’une forte identité historique. Cette esthétique fut alors déployée non seulement dans la peinture mais aussi dans l’architecture, le textile, la joaillerie ou encore le design d’objet. L’idée principale ici était que l’esthétique devait rimer avec utilité. 

Les sixties, elles aussi étaient en proie à des changements radicaux et principalement du côté social. La jeunesse ne se reconnaît plus dans le monde qu’ont construit ses parents. Elle prône un retour à un état de nature utopique plus simple et plus joyeux. Vers le milieu des années 1960’s, déjà, l’art nouveau trouvait un regain d’intérêt auprès notamment des groupes de rock pour qui une bonne affiche était le meilleur moyen d’attirer le public. Cet intérêt s’est alors étendu aux textiles. Modernisé par de nombreuses références comme les comic books ou les trips sous différentes drogues comme le LSD, l’art nouveau devient alors l’art psychédélique que l’on connaît. Au couleurs pastels de l’art nouveau, les sixties lui préféreront une palette de couleurs vives, de même qu’elles choisiront plutôt les impressions de volumes aux illustrations plates de leurs aînés. On retrouve cependant, de temps à autres des images presque identiques quoique adaptées pour l’époque. 

La calligraphie, elle aussi fut adaptée, adoucie et rendu presque illisible afin de capter l’attention du public. 

A mesure que la musique de San Francisco se déployait dans le monde, une vague d’art psychédélique marqua ainsi grandement toute une époque. Certains artistes qui produisirent les affiches et autres pochettes d’albums devinrent ainsi presque aussi connu que les groupes pour lesquels ils travaillaient.