Explociné : Trip !/ Esthétique du trip à l’écran

Vaste sujet que l’art sous influence ! On pense bien sûr d’abord à la musique et le fameux morceau de Hendrix qui donne son nom à notre magazine. Le cinéma n’est cependant pas en reste lorsqu’il s’agit de tripper. Formidable combinaison du son et de l’image, le film offre un florilège d’opportunités quant à rendre compte de l’influence de la drogue… et de devenir un objet de trip lui-même. Petit tour d’horizon… 

Psilo power and green resistance 

Le premier film mainstream à parler ouvertement de drogue est L’homme au bras d’or d’Otto Preminger, 1955, avec Frank Sinatra en tête d’affiche. Premier film hollywoodien à parler de substances et de ses effets, il s’agit d’un petit coup d’Etat au pays de la pellicule. Il défit, en effet, le célèbre code Hays à une époque où le moindre baiser à l’écran est chronométré ! Trente secondes du film furent d’ailleurs censurées. 

Il faut donc attendre la beat generation et le flower power des sixties pour voir apparaître de petits bijoux d’expérimentations psychédéliques. Outre les scènes de fumettes et autres acid trip, on pense notamment à la mystique scène d’Easy Rider (Dennis Hopper, 1969). 

Peter Fonda et Dennis Hopper in Easy Rider, Dennis Hopper, 1969

L’engouement s’estompe cependant au fil des années, remplacé petit à petit par les lumières du disco et autres comédies sociales. 

Uma Thurman in Pulp Fiction, 1994

Un revival s’opère toutefois au cours années 1990’s. Fidèle à l’esthétique de l’époque, il s’agit ici d’un regard plus dystopique sur le monde. La drogue n’est plus récréative mais un moyen de fuir une réalité capitaliste et terne. Le ton est plus punk voire même, osons le dire, grunge, à mi-chemin entre dénonciation et apologie. 

Double trouble 

Cette approche des substances psychédéliques va poursuivre son avancée dans les années 2000. Le ton est toutefois de plus en plus sombre. C’est surtout le dark side des drogues qui est démontré et, par là, le désespoir d’une époque post moderne qui tourne sur elle-même. La drogue, si elle est toujours un formidable outil d’expériences cinématographiques, permet ici la dénonciation d’une société uniformisée, d’un libéralisme déshumanisant et aliénant.

Jared Leto et Jennifer Connelly in Requiem for a dream, Darren Aronofsky, 2001

Etat second et caméra

Le trip et quel que soit la substance utilisée, reste une excuse géniale d’expériences narratives, visuelles mais aussi sonores. Le travail des voix, de la musique et du son en général fait, en effet, participe du rendu psychédélique. Gaspar Noé, en 2009, dans son magistral Enter the void use, par exemple, non seulement du point de vue subjectif mais surtout d’une bande son agressive comme pour souligner le déchirement de la frontière entre les dimensions. 

Bien souvent, cependant, les sons sont étouffés voire allongés tout comme les mouvements sont ralenti ou extrêmement concentrés sur un détail. L’altération des perceptions du personnage en plein trip se mélange à celle du spectateur et l’emmène à sa suite dans un voyage mystique. 

L’animation, également, n’est pas en reste quant à ces expérimentations psychédéliques. On pense, bien évidemment, au sous-côté A scanner darkly (2006) de Richard Linklater adapté du roman Substance mort de Philip K.Dick avec Robert Downey Jr et Keanu Reves. 

La drogue dans l’art est un prolifique objet créatif. Le cinéma, notamment, par son statut d’art pluriel tant visuel que sonore permet un nombre incalculable de tests et autres expériences. Le trip, si parfois, il se suffit à lui-même dans sa dimension esthétique est aussi un support narratif possible de témoignage voire de dénonciation sociale puissant.

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