Le dynamisme du XIXe siècle a changé le mode de vie occidentale. Plus encore, les avancées techniques qu’il induit ont transformé les sociétés en profondeur. Le cinéma, par exemple, y a vu le jour parmi tant d’autres créations. Charlie Chaplin et son célèbre Les Temps modernes (1936) en sont un exemple criant et si actuel. La technique a, plutôt brutalement, changé de paradigme. Le passage au digital et son lot d’expériences virtuelles ont alors renforcé ce sentiment de glissement vers une technique devenue vitale, puissante et, de fait, effrayante. Espionnage, réalité virtuelle et androïdes sont devenus les thèmes principaux d’un cinéma de SF qui se veut de plus en plus philosophique. 

La grande révolution technologique  

Charlot plonge dans un monde de rouages sans fin. Le docteur Frankenstein crée, grâce à l’électricité, une créature terrifiante. La technique, ses possibilités mais aussi ses effets sur les sociétés et le psychisme humain distribuent les cartes d’un nouveau jeu. L’homme moderne, capitaliste, sans peurs et affamé de progrès se rêve en démiurge. Le revers de la médaille le fait cependant esclave de la productivité, obsessionnel et surtout esclave du progrès. “Le commerce est notre seul but chez Tyrell.”, déclare Eldon Tyrell (Blade Runner, Ridley Scott, 1982) avant d’ajouter le célèbre: “Plus humain que l’humain est notre devise.”

Les Temps Modernes, Charlie Chaplin, 1936

La machine ça fait un peu peur finalement. Tous ces rouages, ces règles physiques parfois incompréhensibles du commun des mortels, ça impressionne. Elle est bien utile pourtant. Elle nous permet de produire, bien sûr, mais aussi de communiquer, de voyager, de nous instruire… bref pas mal de ces choses qui font de nous la société post moderne. A mesure qu’elle se développe, un personnage vient figurer à l’écran une relation plutôt en demi-teinte : l’androïde. Celui-ci est présent dans la littérature dès les débuts de l’ère industrielle et continue son ascension avec le développement des smartphones, Alexa et autres SIRI. Le robot et son pendant l’intelligence artificielle c’est LE sujet de SF de ce XXIe. Il n’y a qu’à voir l’engouement autour du reboot de l’excellent Ghost in the Shell (Rupert Sanders, 2017) ou de la sortie de Alita: Battle Angel (Robert Rodriguez, 2019, adapté du manga à succès Gunnm, Hiroshi Fukutomi). Et si l’androïde devenait si puissant, si performant, qu’il obtenait une conscience ? Et si il échappait à notre contrôle ? C’est là l’eugénisme poussé à son maximum : une créature si ressemblante qu’elle peut se fondre dans une foule sans être repérée et qui ne connaît ni la faim ni la souffrance. Au cours des années 1990, surtout, le cinéma a grandement exploré la question. Il en ressort cependant une véritable réflexion sur l’autre et le traitement de l’inconnu comme dans le magistral AI, Intelligence artificielle (Steven Spielberg, 2001). Ces questionnements ne semblent pas incongrus au vu de la mondialisation croissante et des progrès de la médecine. 

Tron, Steven Lisberg, 1982

Petit à petit la machine est passée des énormes rouages de Chaplin aux processeurs ultra performants. Ce passage au digital apporte avec lui un nouvel élément bien connu des amateurs de SF, les mondes virtuels, le célèbre Tron (Steven Lisberg, 1982) en première ligne bien entendu.

Paranoïa, magie et enchantements techniquement naturels 

Matrix, Lana et Lilly Wachowski, 1999

Le cinéma est véritablement devenu le miroir de notre psyché sociale en ce qu’il traduit parfaitement les maux et questionnements de son temps. L’excellent Matrix (Lana et Lilly Wachowski, 1999) apporte ainsi un éclairage nouveau dans ce tournant que fut le nouveau millénaire. Il s’agit là d’un phare au milieu d’un océan de film autour du hacker et d’un déversement d’effets spéciaux et de lignes de code pas toujours utiles. Les 1990’s et 2000’s c’est le développement des personal computers (fr: ordinateurs personnels) et des réseaux internet. Un nouveau monde en ligne se met en place avec des codes qui lui sont propres. Ce monde à découvrir semble toutefois bien obscur. Le pirate informatique devient LE personnage de premier plan.

La technique n’est avant tout qu’un outil. Elle est soumise aux intentions de son créateur et de son environnement. Plus que la digitalisation du monde, c’est des sociétés humaines et de leurs appétits que nous parle cette angoisse technique. Les plus récents films de SF traduisent ainsi une nouvelle vision de la machine. Si ceux-ci traitent, principalement, de l’intelligence artificielle, le discours y est moins manichéen, plus poétique même, tel que le superbe HER (Spike Jonz, 2014).

Blade Runner, Ridley Scott, 1982


The Matrix, Lana et Lilly Wachowski, 1999


Terminator, James Cameron, 1985


Ghost in the shell, Mamoru Oshii, 1995