#ExploCiné: Extraterrestre/ Films & Envahisseurs (1/4)

Films et envahisseurs

Sommes nous seuls dans l’Univers ?

Question éternelle à laquelle aucune réponse fixe n’a été apportée à ce jour, elle a travaillé bien des esprits.

L’Humanité depuis toujours imagine des races autres que la sienne qui peupleraient le monde dans lequel nous évoluons. Dans l’Antiquité, on parlait de dieux et de titans, et puis les sciences nous ont fait découvrir un ciel en constante expansion avec d’autres planètes que la nôtre orbitant autour d’étoiles semblables à notre Soleil. C’est alors qu’on a commencé à parler des hommes verts, des habitants de la Lune, des martiens ; en bref, des extraterrestres.

Comme avec tous les sujets qui fascinent, le cinéma s’en est emparé. Les films de science fiction peuplés d’extraterrestres sont apparus en nombre dans les années 1950, mais en réalité les créatures célestes sont là depuis le tout début du 7è Art : en 1902, dans Le Voyage dans la Lune de George Méliès, les héros rencontrent les sélénites, habitants de la Lune en atterrissant sur celle-ci.

Plus d’un siècle après leur premier rôle à l’écran, les extraterrestres ont été imaginés et traités sous maintes et maintes formes.

Episode I : Humains VS Extraterrestres

Impossible de parler d’extraterrestres sans avoir le mot « envahisseurs » dans un coin de la tête. En effet, nous leur avons très tôt donné le rôle d’hostiles colonisateurs ayant traversé l’espace pour venir éradiquer l’Humanité et profiter des ressources terrestres. Bien entendu, toute ressemblance avec des faits historiques est totalement fortuite… En réalité, pas du tout. On sait bien que le cinéma reflète souvent le mal de son époque.

Dans les années 1950, la phobie de l’invasion qui a par le passé tourmenté bien des nations est à son comble. Les deux blocs Etats-Unis et URSS mènent la Guerre Froide, et les cinéastes américains s’emparent de cette peur de l’envahisseur (consciemment ou non) en donnant le mauvais rôle aux extraterrestres. Plus forts, plus avancés, en soucoupe ou d’apparence humaine, les aliens ont de nombreuses fois tenté d’envahir la Terre de stratégies diverses et variées. On vous propose de redécouvrir les grandes guerres Terriens VS Extraterrestres à travers onze films cultes.


La Guerre des Mondes / War of Worlds, Byron Haskin (1953) et Steven Spielberg (2005)

Les extraterrestres de notre imagination viennent d’un peu partout dans l’univers mais nos voisins favoris restent les martiens, avec lesquels nous n’avons pas toujours entretenu des relations pacifistes.

En 1898, le célèbre auteur de science-fiction H.G.Wells publie La Guerre des Mondes où les martiens envahissent la Terre. En 1953, Byron Haskin réalise la première de nombreuses adaptations de ce roman, du même nom. En 2005, Steven Spielberg a transporté l’histoire à notre époque et a transformé le protagoniste solitaire de base en père de famille raté (leitmotiv du réalisateur).

Les deux versions ont d’intéressant que chacune est une métaphore de menace différente. Les extraterrestres de la version 1953 pourront être vus, remis dans le contexte de Guerre Froide, comme une peur de l’invasion soviétique. La version des années 2000 quant à elle fait plusieurs allusions discrètes mais poignantes à l’Holocauste et au attentats du 11 Septembre : les personnages pulvérisés en cendres, les vêtements des défunts qui défilent dans la rivière. On pourrait remonter plus loin et rappeler que le roman fut écrit et publié peu de temps après la Guerre de Sécession américaine, où Nord et Sud tentèrent de s’entretuer, voulant gagner le contrôle sur le territoire l’un de l’autre. Une invasion martienne certes, mais pas moins une image d’invasion humaine.


L’invasion des profanateurs de sépultures / The Body Snatchers, Don Siegel, 1956

Dans ce film-ci, les extraterrestres ne débarquent pas à grand coups de soucoupes volantes et d’explosions, mais de façon beaucoup plus sournoise. Pendant la nuit, ils s’emparent des corps humains, les transformant en êtres sans émotions et se propageant comme un fléau.

À l’époque de sa sortie, le film fut bien sûr vu comme une métaphore de la peur du communisme. Les extraterrestres étaient les soviétiques communistes tentant de contaminer le monde entier. Avec le recul, plusieurs personnes ont alors pensé que c’était tout l’inverse : au lieu de critiquer le communisme, ce film critiquait le McCarthysm. En effet, le film est sorti pendant la période où le sénateur McCarthy censurait et condamnait les personnes soupçonnées d’avoir des affinités avec l’idéologie communiste. Bon nombre de personnalités du milieu du cinéma souffrirent de cette chasse aux sorcières et essayèrent de la dénoncer via leur film, dont peut-être celui-ci.

Une interprétation plus simple fut apportée par le réalisateur lui-même : pour lui, le film parle avant tout des responsables des studios qui charcutaient les scénarios à des fins commerciales.

Après tout ça, la meilleure façon de se faire une opinion sur ce que raconte en seconde lecture L’invasion des profanateurs de sépultures est quand même de regarder ce qui est devenu un film culte du cinéma de science-fiction. 


Invasion Los Angeles / They Live !, John Carpenter, 1988

Musclé, chevelure fournie des années 80, solitaire, désagréable mais un peu séducteur quand même, l’anti-héros parfait typique de John Carpenter est notre personnage principal pour ce film de science fiction. Il se retrouve par accident en possession de lunettes de soleil un peu hors norme : lorsque le protagoniste les met, il peut alors voir que derrière les panneaux publicitaires se cachent des messages d’asservissement : « Obéissez », « Consommez », «Conformez-vous », « Restez endormis ». Il se rend aussi compte avec horreur que certains humains ne sont pas ce qu’ils ont l’air d’être, mais on vous laisse découvrir leur apparence en regardant le film.

L’idée est la suivante : des extraterrestres ont pris forme humaine et gouvernent le monde en nous abrutissant grâce à des signaux subliminaux diffusés via les panneaux, les magazines, la télévision… 

Inspiré de ces théories du complot où les extraterrestres auraient pris le contrôle des masses, le film livre une critique totalement assumée du gouvernement américain et du capitalisme. L’alien, au départ envahisseur venu d’ailleurs, s’utilise de plus en plus comme critique de l’envahisseur intérieur avec l’émergence de la méfiance à l’égard des gouvernements.

Fait intéressant : le propos de Invasion Los Angeles est encore bel et bien d’actualité, peut-être même plus qu’à l’époque de sa sortie…


Independence Day, Roland Emmerich, 1996

Extraterrestre, invasion, guerre. Bien sûr qu’on ne pouvait pas parler de tout ça sans passer par Independance Day.

Le scénario ne réinvente rien : des aliens débarquent sur Terre en soucoupes volantes gigantesques, se placent au-dessus des plus grandes villes et commencent à les détruire. L’objectif ? Coloniser la Terre, comme ils l’ont fait avec d’autres planètes. Rien de très original jusqu’ici.

Drôle et léger, Independance Day est souvent critiqué pour sa glorification excessive des États-Unis. Beaucoup de gens retiendront le discours du Président américain, la bataille finale avec maintes explosions et le fait que la guerre contre les extraterrestres est remportée le 4 Juillet, date de la fête nationale américaine et anniversaire de leur Indépendance. Ce qui est amusant cependant quand on le regarde, c’est de noter que (attention spoiler, même si nous estimons qu’il y a prescription) ce n’est pas l’armée américaine qui sauve réellement le monde.

C’est un scientifique écolo juif joué par Jeff Goldblum et un pilote afro-américain marié à une strip-teaseuse qui parviennent à pénétrer le vaisseau mère pour désactiver de l’intérieur son bouclier, et un ivrogne qui réussit le tir qui le fait exploser (là où le Président s’est raté). Pour l’époque, le réalisateur a eu du courage en faisant des trois sauveurs de l’Humanité tout ce que la société puritaine rejète !


Mars Attack !, Tim Burton, 1996

https://www.youtube.com/watch?v=ukTX26ca9gU

Dans ce film-ci, la Terre se fait attaquer par… les martiens, pour changer ! Ils atterrissent même au Nevada. Arrivant avec un message de paix, ils déclenchent l’euphorie chez la population qui est heureuse de les accueillir. Sauf que, comme tous bons aliens qu’ils se respectent, ils sont en réalité venus nous envahir.

Jusqu’ici, pas de palme de l’originalité. Jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il s’agit d’une parodie des films de science-fiction des années 50. Tim Burton, qui a grandi avec ce cinéma là, le tourne en dérision à l’extrême, que ce soit dans l’esthétique comme dans la narration, jusqu’à la résolution qui sauve l’Humanité de son éradication.


Starship Troopers, Paul Verhoeven, 1997

Dans un futur lointain, les pays de la Terre se sont rassemblés sous la Fédération Terrienne, qui explorent et colonisent des planètes. Sur l’une d’elle ils se retrouvent face à la civilisation des Arachnides qui leur résiste, déclenchant ainsi une guerre interstellaire. On suit des jeunes soldats dans cet affrontement très gore, une violence que l’on connaît au réalisateur Paul Verhoeven (Total Recall, Robocop).

Adapté du roman Étoiles, garde à vous ! de Robert A.Heinlein, le film prend le contrepied du roman pro-militariste en proposant une critique acerbe du fascisme et de l’impérialisme américain. En effet, les héros servent de chair à canon et sont motivés à faire partie de l’armée à cause des privilèges accordés à ceux qui acceptent de suivre leur service militaire, obéissant aux ordres des responsables dont le costume est inspiré de ceux de la Gestapo…

Désormais, nous sommes les envahisseurs, et pas seulement de façon métaphoriques comme dans les films précédents où les aliens sont souvent des images des humains. Dans Starship Troopers, l’Humanité est la menace, au même titre que les créatures arachnéennes. Un film devenu culte à son tour car, sur fond de massacre assourdissant, il a su bouleverser les codes.


Cloverfield, Matt Reeves, 2008

Une bande d’amis à New York célèbrent le futur départ de l’un d’eux au Japon. La soirée vire au cauchemar lorsque la ville se fait attaquer. La menace n’est pas immédiatement identifiée, jusqu’à ce qu’on aperçoive la silhouette d’un immense monstre.

Ici, on renoue avec la bonne vieille formule de l’extraterrestre venu détruire la Terre. Sauf que ce n’est pas sur le scénario que joue Matt Reeves mais sur la réalisation : Cloverfield est tourné en found footage. C’est à dire qu’il est filmé comme si l’un des personnages du film avait enregistré toute l’action sur sa caméra dont on retrouvait les vues.

Anxiogène et immersif, Cloverfield nous met réellement à la place des envahis de part sa narration.


District 9, Neil Blomkamp, 2009

Un immense vaisseau s’immobilise au-dessus de Johannesburg. Les aliens ne viennent pas pour nous envahir, mais plutôt par accident, et sont alors considérés comme des réfugiés. Le gouvernement les place sous la responsabilité de la multinationale MNU, qui les entasse dans un bidonville et cherche à voler et utiliser leur armement. Un agent de la MNU chargé de faire se déplacer les populations extraterrestres se retrouve contaminé par une étrange substance et doit se réfugier auprès de ceux qu’il a aidé à persécuter.

District 9  s’attaque au douloureux sujet du racisme et de la xénophobie au travers de ce qui est infligé aux extraterrestres. Le sort qui leur est réservé est inspiré de faits réels puisque le réalisateur s’est basé sur l’Apartheid qui séparait les blancs des noirs en Afrique du Sud et dans d’autres pays alentours.

Très puissant, ce film place lui aussi les humains en tant qu’antagonistes mais sans leur donner le rôle d’envahisseurs. En plus de traiter du passé, il dénonce également les problèmes liés à l’immigration qui sont toujours d’actualité, dix ans après la sortie du film.

Neil Blomkamp signe un premier long métrage avec une réalisation névrosée et un jeu d’acteur très juste dans un univers en autodestruction.


Avatar, James Cameron, 2009

On ne pouvait bien sûr pas parler d’affrontement humains contre extraterrestres en passant à côté d’Avatar.

2154, Jake Sully, ancien marine paraplégique arrive sur la lune Pandora, dans le système stellaire d’Alpha Centauri A. Comme il possède le même génotype que son frère jumeau décédé, il est recruté pour prendre part au programme Avatar qui consiste à posséder des corps semblables à celui des autochtones humanoïdes, les Na’vis afin de pouvoir évoluer sur Pandora et dialoguer avec eux. Le véritable objectif pour la plupart des humains est surtout de récupérer et d’exploiter les ressources de la planète. Jake se retrouve au coeur du conflit entre les Na’vis et les humains qui se battent, les uns pour préserver leur habitat, les autres pour y creuser d’immenses mines.

Nombre de personnes y ont vu une critique du sort réservé aux Natifs américains par les européens à leur arrivée sur le Nouveau Monde, pointant d’ailleurs d’un doigt moqueur les similitudes entre Avatar et l’histoire de Pocahontas (plutôt la version Disney). Le parallèle est totalement légitime, mais James Cameron voulait aussi dénoncer des faits plus actuels puisqu’il s’est inspiré de la situation en Amérique du Sud où les gouvernements détruisent peu à peu l’Amazonie et les personnes qui y vivent au profit de l’exploitation de ses terres.

Au-delà de ce message politique, Avatar aborde aussi les liens entre science et religion avec les croyances des Na’vis qui vénèrent un être biologiquement réel, Ewa. On apprécie aussi toujours la tendance féministe du réalisateur qui montre le déséquilibre de la civilisation humaine patriarcale, opposée à celle des Na’vis où les hommes et les femmes sont égaux et commandent ensemble.


Ce n’est pas en 10 films que l’on peut résumer plus d’un siècle d’invasion… Les extraterrestres nous ont attaqué via d’autres formes inventives et bien des films auraient pu être cités comme Transformers où ils se métamorphosent en voitures, Pacific Rim où ils émergent d’une brèche sous l’océan, ou encore l’intéressant Oblivion et ses aliens manipulateurs. Nous avons vu qu’à travers ces films, les extraterrestres permettent d’exorciser notre peur de l’autre et de se faire attaquer. Lorsqu’on regarde tous ceux que les aliens ont servi à représenter, on se rend compte que les extraterrestres sont, et ont toujours été, des humains.

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