Un été au Cameroun: une mosaïque bariolée entre racines et modernité (3/3)

Sculpture

La religion et la superstition ont une influence indéniable sur les arts. Les représentations religieuses diffèrent d’une ethnie à une autre (l’islam réprouvant la représentation humaine ou animale par exemple, l’art peul se concentrant surtout sur les objets et les vêtements).

La sculpture tient aussi compte de ces religions et de ces croyances et, des Bétis-Fangs aux Bamilékés, les formes changent, comme les sujets. Les Bamilékés notamment ont une personnalité artistique bien affirmée, avec la sculpture des formes, du mobilier, des objets d’art ou du quotidien. Le Cameroun est un pays très traditionnel où chaque peuple, chaque groupe ethnique possède sa propre expression artistique. C’est pour cette raison que le fond culturel camerounais, par son ampleur et sa diversité, intéresse de nombreux anthropologues et de nombreux chercheurs à travers le monde. Réalisant l’importance de son patrimoine, la politique camerounaise cherche à le protéger depuis 1974, année de lancement du festival national des Arts et de la Culture, aujourd’hui malheureusement moribond.

Un conseil : on vous fera croire que la pièce que vous voulez acheter sur le marché est originale et ancienne, ce qui, bien sûr, augmentera considérablement sa valeur… Il faut savoir que des pièces originales, il n’y a en a plus en circulation, considérez que si cela vous plaît, cela peut justifier les quelques francs que vous dépenserez.😏

L’un des premiers arts que nous pouvons citer ici est celui des masques camerounais. Les masques sont toujours façonnés dans du bois. Ils sont sculptés dans tout le pays avec cependant un net avantage au sud, pour le plus grand nombre et pour leur style plus varié, qu’au nord du pays. Leur caractère diffère selon la région où ils ont été créés : ainsi, dans la savane, ils sont généralement sculptés dans une position où ils font un sourire grimaçant ; dans la forêt, ils sont géométriques, chez les Tikars, ils sont drôles, et ils ont la forme d’une tête d’éléphant pour le culte des morts chez les Balis. Mais les plus beaux sont sans doute ceux de l’art bamiléké et ceux de l’art bamoun. Les masques ont traditionnellement des rôles symboliques et sont utilisés très fréquemment dans les danses.

La population bamilékée s’est installée dans l’ouest du Cameroun. L’art a toujours été pour ce peuple quelque chose de très important au même titre que la religion ou la guerre.

A part les masques, les Bamilékés sont réputés pour leurs statues et pour leurs pièces de mobilier sculptées dans du bois. Les statuettes ont des formes très arrondies, les joues rondes, le front bombé, le ventre arrondi. Les jambes sont généralement courtes, dodues et pliées.

Malheureusement, avec la recrudescence de ces statues destinées aux touristes, les sculpteurs, soucieux de réaliser les modèles en grande quantité, ont petit à petit homogénéisé les formes des statuettes et le caractère arrondi des statues traditionnelles a tendance à se perdre. On peut également noter l’importance accordée aux bijoux, surtout les bracelets, très ornés. En plus de la sculpture sur bois, l’un des arts traditionnels des Bamilékés est le perlage (souvent en verre, utilisé pour orner des statuettes, des trônes, des masques, avec des cauris, petits coquillages en porcelaine) Les perles et les cauris représentaient à l’époque un moyen de paiement et représentaient donc la richesse et le statut social des personnes.

La culture bamoun est également riche en sculptures sur bois, en broderies de perles, mais son art est surtout célèbre pour ses masques en bronze, destinés traditionnellement à chasser les mauvais esprits. Les formes sont en général boursouflées comme dans l’art bamiléké. Le problème de la production pour les touristes est également en train d’appauvrir la qualité de ces sculptures en bronze : la forme devient plus lourde, le trait s’est banalisé et la qualité du bronze s’est malheureusement détériorée.

L’art des Peuls respecte, quant à lui, les préceptes de l’islam. Il interdit toute figuration humaine ou animale dans la représentation artistique. Cet art peul se manifeste, entre autres, dans l’architecture des lamidats. Nous pouvons également noter, comme chez les Bamilékés, la richesse des vêtements et des bijoux. Le travail des cuirs et les décors peints et pyrogravés des calebasses font également de cet art l’un des plus marquants du Cameroun.

Un autre art traditionnel qu’il est intéressant de mentionner ici est l’art sculptural des Betis-Fangs du Sud-Cameroun. Il se caractérise par des statues longilignes, des ngoumbas, décorées de plaques de laiton et de figures d’ancêtres des Mabéas, de réalisation plus réaliste, liées au culte lignager du byéri, qu’on retrouve également en Guinée équatoriale et au nord du Gabon.

Dans l’extrême nord du pays, dans la plaine du lac Tchad, la civilisation Sao a également laissé de remarquables œuvres d’art : statues et masques plutôt de petites tailles et utilisant cette fois la terre cuite. Ces sculptures obéissent à des schémas communs, malgré le grand nombre de peuples qui se sont succédé dans cette zone. Ce qui permet de les rattacher à la même civilisation – Sao -, en fait un terme générique pour les habitants actuels de la région, désignant les hommes d’autrefois. La période la plus riche pour la production artistique s’étale du XIIe au XVIe siècle, avec notamment de nombreuses statues humaines, limitées traditionnellement à la tête. La technique employée fait ressortir les traits du visage, éventuellement par ajout de matière. Le corps est traité beaucoup plus simplement, quand il n’est pas tout bonnement absent. Aujourd’hui encore, on trouve dans cette même région du  » Grand Nord  » du Cameroun, des artistes qui s’inspirent de cette sculpture Sao pour en perpétuer la tradition.

La danse

Au Cameroun, la danse fait partie intégrante de la tradition, de la religion et de la socialisation. On recense au Cameroun plus de 200 danses traditionnelles, chacune étant associée à un événement ou une situation différente. Les autorités coloniales et les missionnaires chrétiens dissuadaient les danses indigènes, les considérant comme une menace pour la sécurité et comme des vestiges païens. Toutefois, après l’indépendance du Cameroun, le gouvernement reconnaît la danse traditionnelle comme faisant partie intégrante de la culture nationale et prend alors des mesures pour la préserver.

Les danses traditionnelles suivent une chorégraphie stricte et regroupent les danseurs par âge, profession, sexe ou statut social, entre autres facteurs. Certaines danses exigent des costumes et des accessoires spéciaux tels que des masques ou des éventails. Les danseurs professionnels gagnent leur vie au sein de certains groupes ethniques tandis que d’autres professionnels se produisent dans les festivals nationaux et pour les touristes. La danse populaire, qui réunit hommes et femmes, se pratique dans les bars, les boîtes de nuit et les soirées privées. Ce style est étroitement lié à la musique populaire, notamment les genres du makossa, du bikutsi, du highlife et du hip hop. La danse joue un rôle central dans les mouvements de contestation sociale et les rassemblements politiques à travers le pays.

Sous les gouvernements coloniaux du Cameroun, les régimes allemand, britannique et français ont banni les danses qu’ils jugeaient menaçantes pour leur primauté. Entre-temps, les missionnaires chrétiens découragent toutes sortes de danses et interdisent celles qui, selon eux, relèvent du paganisme ou heurtent les sensibilités chrétiennes. Nombre de ces danses ont depuis lors disparu. D’autres danses ont été oubliées lorsque les rituels qui leur étaient associés ont été interdits pour des raisons similaires.

Toutefois, la danse traditionnelle a persisté. Les gens continuaient à pratiquer ces danses à des fins purement sociales ou les adaptaient pour le culte chrétien. La danse à l’église se généralise avec l’essor de christianisme évangélique et le remplacement des Américains et des Européens par des prêtres et des pasteurs camerounais. Après l’indépendance du Cameroun en 1960, le gouvernement reconnaît la danse traditionnelle comme partie intégrante de la culture nationale et les organisations non gouvernementales encouragent sa préservation. Certains villages inscrivent les enfants dans des groupes de danse qui jouent un rôle clé dans cette transmission.

Le Cameroun compte plus de 200 danses traditionnelles différentes. La danse fait partie de la plupart des cérémonies et des rituels. Elle accompagne les naissances, les baptêmes, les mariages et les funérailles et l’invocation des esprits des ancêtres pour guérir les malades ou pour accroître la fertilité. Les Bamilékés pratiquent par exemple des danses de guerre (en) et le motio du sud-ouest consiste à tuer une chèvre d’un seul coup pour démontrer les prouesses des danseurs. Les Baka dansent le luma pour célébrer une chasse réussie. Dans certains groupes, les danseurs entrent en transe et communiquent avec le monde des esprits. Par exemple, les membres de la société Ntsham du peuple Kaka, dans le nord-ouest du Cameroun, dansent pour provoquer une possession spirituelle.

Généralement, les danses traditionnelles obéissent à certaines restrictions. La plupart des danses traditionnelles séparent les participants selon leur sexe. Par exemple, les femmes et les hommes peuvent former des cercles concentriques de même sexe, ou danser dans des zones séparées. Dans les différents Fondoms (royaume des peuples de l’Ouest du Cameroun, leurs rois sont donc les Fons) des Grasslands (plaines de l’Ouest) du Cameroun, les nobles et les citoyens ne peuvent pas participer aux mêmes danses. De même, les lois traditionnelles limitent sévèrement la danse des épouses et des filles du Fon, les maintenant souvent dans le palais.

Certaines danses sont destinées uniquement à une catégorie spécifique de personnes, comme les chasseurs, les bouffons ou les guerriers. Dans certains groupes ethniques, des danseurs professionnels gagnent leur vie en dansant lors des cérémonies. Dans certains villages, la danse fait partie des fonctions du devin. De nos jours, ces professionnels de la danse traditionnelle sont rares. Les danseurs professionnels vivent plutôt dans les centres urbains et dansent pour les touristes ou lors de festivals nationaux.

Plusieurs danses traditionnelles camerounaises suivent une stricte chorégraphie, bien que l’improvisation soit courante. Les danseurs font bouger différentes parties du corps indépendamment, en axant le mouvement sur plus d’une zone. Les danses sont souvent assorties de tenues ou d’accessoires spécifiques. Les objets traditionnels utilisés comprennent des éventails en cuir et de petits morceaux de tissu. Dans les prairies, les masques sont courants. Le gourna des Toupouri se compose de longs bâtons que les danseurs tiennent droit en cercle.

La danse populaire est l’apanage des bars urbains, des boîtes de nuit et des fêtes privées bien que sa popularité ait augmenté dans les zones rurales. Les DJs jouent de la musique pendant que les danseurs se déplacent et boivent de la bière ou du vin de palme. À la différence des danses traditionnelles, la danse populaire permet aux deux sexes de se côtoyer. Les principaux genres musicaux autochtones du Cameroun, le bikutsi et le makossa, sont des styles de musique de danse. Le Cameroun a importé un nombre de danses populaires de l’étranger, notamment le maringa du Ghana des années 1850, l’ashiko du Nigeria des années 1920 et l’abele du Nigeria tout récemment. La musique de danse populaire non camerounaise comprend le highlife nigérian et le hip-hop américain. En 2000, le gouvernement de la région du Sud-Ouest a interdit le mapouka; une danse importée de la Côte d’Ivoire, à cause de son caractère sexuel. La danse européenne, telle que la danse classique, est populaire parmi les Camerounais urbains aisés mais il est à noter qu’il est très (très) difficile de trouver des cours de danse classique sur le territoire camerounais.

La danse est aujourd’hui un important vecteur de débat social et de protestation politique. Alors que la presse populaire peut être muselée par le gouvernement, les danseurs de rue sont plus libres d’exprimer leur mécontentement ou leur soutien à l’égard des politiques gouvernementales ou des partis politiques. Les opposants du premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, ont dansé pour montrer leur désaccord.

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