#Explociné : Amours maudits/ Des montagnes, du cinéma et des amours queers

Des histoires d’amour au cinéma, il y en a des tas. Le genre de la rom-com (comédie romantique pour les non initiés) a d’ailleurs plus que jamais le vent en poupe. Netflix et autres Amazon Prime ont permis en effet de faciliter l’accès à ses films feel good qui font frissonner de plaisir dans les chaumières. Une observation est à faire toutefois : combien de ces romances parlent de couples gays, lesbiens ou, plus largement, queer ? 

Si les nouvelles productions font de plus en plus d’effort quand à la représentation des communautés (notamment grâce à de nombreux scandales), l’amour queer au cinéma n’en est encore qu’à ses balbutiements. Retour sur un phénomène (malheureusement) trop récent… 

Le tournant Brokeback Mountain 

Le long métrage Brokeback Mountain du réalisateur Ang Lee symbolise un véritable …tournant (vous ne l’aviez pas vu venir hein) dans la monstration des communautés LGBTQI+ au cinéma. Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle du même nom de Annie Proulx, nouvelle qui, d’ailleurs, remporte le Pulitzer 1998. Le film est immédiatement à sa sortie un succès mondial, fut extrêmement récompensé avec l’Oscar du meilleur réalisateur pour Ang Lee, le Lion d’or ou le BAFTA du meilleur acteur dans un second rôle pour Jake Gyllenhaal. Sa renommée est également dûe malheureusement à la polémique et aux nombreuses réactions qu’il suscita. 

Pour une fois, on ne montre pas l’individu homosexuel comme une victime du sida et/ou de l’alcool, de la drogue, effeminé à outrance et surtout victime de sa vie dissolue. Il s’agit là d’une véritable histoire d’amour ! Les deux protagonistes sont même deux cow boys américains, symbole de la virilité s’il en est. Le film figure donc une vraie révolution. 

Deux ans plus tard, Harvey Milk de Gus van Sant permet à Sean Penn de remporter l’Oscar du meilleur acteur. Il dira meme “c’est le premier film hollywoodien grand public dans lequel le personnage est gay sans s’excuser de l’être” 

Pour la petite histoire 

Avant la fin des années 70 et surtout les 80s, l’amour homosexuel, si il a pu être suggéré, n’est certainement pas montré à l’écran. Les USA dominent le marché à partir de l’entre deux guerres ce qui a pour résultat d’uniformiser le regard porté à l’écran. Le puritanisme nord américain et surtout le code Hays y règne en maître. Ce dernier établi à la fin des années 1930 par le sénateur et président de Motion Pictures Producers and Distributors Association a pour objectif de réguler la production hollywoodienne. Il est surtout à l’initiative d’une immense entreprise de censure qui implique toute représentation d’amour physique tel qu’un simple baiser. Si l’amour hétérosexuel est deviné, son pendant homosexuel, lui, est alors extrêmement mal vu. L’acteur Rock Hudson avoua des années après le fameux Golden Age, son attirance pour les hommes. Un penchant qu’il tenait secret de peur de se faire rayer d’Hollywood. Quant à montrer une telle attirance à l’écran, c’est même impossible. 

Tom Hanks et Denzel Washington in Philadelphia, John Demme, 1003

C’est au cours de la fin des années 1970 et surtout 80 que vont apparaître progressivement des personnages homosexuels et, petit à petit, des histoires autour de cette communauté. Le summer of love des années 1967-70 est passé par là et le vent libertaire des 70s ont permis de libérer la parole des individualités. L’épidémie du sida (appelé aussi à l’époque “le cancer gay”) pousse sur les feux des projecteurs une communauté encore secrete. Les 80s sont alors une période de démocratisation et d’un début de normalisation des personnes LGBTQI+. Le cinéma prend alors surtout une fonction revendicatrice. 

L’homosexualité et les amours queer à l’écran 

Ces dernières décennies le discours se libère de plus en plus. L’homosexuel n’est plus cantonné aux rôles du meilleur ami gay fan de Lady Gaga et de Sex and the city. Des comédies romantiques pour ados pointent même le bout de leur nez via les plateformes de style Netflix, signe d’une normalisation grandissante. L’individu gay n’est également plsu le seul à être transposé à l’écran. On a pu voir également, moins souvent il est vrai, des personnes lesbiennes, transgenres… 

Toutes les cinématographies ne sont toutefois pas avancées au même point. En cela, le cinéma joue réellement le rôle de miroir d’un climat social et politique d’une communauté. Citons notamment la récente polémique autour du kényan Rafiki (Wanuri Kahiu, 2018). Celui-ci, en effet, fut nommé au prestigieux festival de Cannes, dans la catégorie Un certain regard. Il a toutefois été interdit par la Kenya Film Censorship Board. “Ces cinq dernières années, on a senti progresser un climat anti LGBTQ+ en Afrique de l’Est” déclare la réalisatrice.

Comme l’a si bien dit Jake Gyllenhaal aux BAFTA 2016 : “He (Ang Lee) kept it simple and quiet with respect for the characters and their corner of the world. He knew that to tell a big story you have to keep it small” (FR: “(Ang Lee) a laissé le film simple et discret avec du respect pour les personnages et leur coin du monde. Il savait que pour raconter une grande histoire, il faut penser petit”.). Le secret de Brokeback Mountain a donné un grand mawashi geri dans la face du cinéma (et pas que). Il a permis d’ouvrir le dialogue social à l’écran mais aussi dans la vie réelle. Aujourd’hui, si les personnages queer tendent à se normaliser dans le monde occidental, très peu de productions grand public les poussent réellement et sincèrement sur le devant de la scène. 

Moonlight, Barry Jenkins, 2016 


Le secret de Brokeback mountain, Ang Lee, 2005


Shelter, Jonah Markowitz, 2007


Love, Simon, Greg Berlanti, 2018

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